Vendredi
dernier, 2 septembre 2011, vers les onze heures du matin, un
quidam utilisant un téléphone au numéro 3712-3449 a appelé le
bureau du journal Haiti Liberté, à Port-au-Prince et s’est
identifié comme Louis Jodel Chamblain, le tortionnaire bien
connu, le criminel notoire qui devrait être en prison à
perpétuité pour crimes commis contre le peuple haïtien.
Cet individu qui s’est identifié comme Jodel Chamblain a demandé
à son interlocuteur de Haiti Liberté: « Est-ce que Berthony
n’est pas en Haiti ? » Il lui a été répondu: non, il n’est
pas en Haiti. Chamblain de poursuivre: « Où est-ce que le
journal est imprimé ? » Il lui a été répondu « que le
journal est imprimé aux Etats-Unis». Et Chamblain a
continué en proférant des menaces: « Je vous
frapperai quand même, bande de Lavalas, vous pensez que Lavalas
retournera au pouvoir… ».
Est-ce la terreur duvaliéro-macoute qui renaît dans l’atmosphère
complaisante du régime actuel ? Est-ce bientôt le tour d’autres
médias d’être menacés ? Vont-ils devoir se taire comme l’ordre
leur a été récemment intimé par le président Martelly ?
Cette menace de la part de Chamblain donne froid au dos, car
elle semble annoncer le retour, sans doute proche, aux pratiques
duvaliéro-terrorisantes qui ont vu tant de journalistes
persécutés, forcés à prendre l’exil, sans oublier ceux-là qui
ont été froidement exécutés par une macouto-soldatesque altérée
de sang. D’ailleurs, des journalistes ont déjà commencé à voir
de quel bois d’intolérance se chauffent Martelly et son
entourage de «conseillers» dont l’un, le tristement célèbre Roro
Nelson se révèle déjà prêt à «étouffer» pour le compte de son
président.
Dans
une ambiance politique où la gente duvaliériste, rejetons de
duvaliéristes, fonctionnaires zélés du duvaliéro-jeanclaudisme,
anciens tortionnaires ressuscités à la faveur du scandaleux
retour de Jean-Claude, ont le vent en poupe, on sent qu’il
souffle un air puant le macoutisme, d’où l’agressive
désinvolture de Chamblain qui s’enhardit jusqu’à menacer par
téléphone le directeur du journal Haïti Liberté et par ricochet
les membres de l’hebdomadaire que de façon pernicieuse et
mensongère il traite, sans preuves, de «bande de Lavalas».
Nous ne pouvons laisser passer cette menace, quoique verbale,
comme une lettre à la poste, sans la dénoncer, haut et fort.
Nous ne saurions ne pas souligner son importance dans la
conjoncture politique actuelle, pour nous abstenir de dire qui
est Chamblain, pour qui travaille t-il, ce qui le rend si
arrogant, si menaçant, se sentant même dans son élément sous la
présidence de Martelly.
Chamblain est
un ancien responsable du Front pour l'avancement et le progrès
en Haïti (FRAPH), avec pour principal partenaire dans cette
ténébreuse organisation le tristement célèbre Emmanuel «Toto»
Constant qui n’avait pas caché ses sources de financement,
quand fut créé ce groupe d’escadrons de la mort, responsable de
l’assassinat de milliers de personnes, lors du sanglant coup
d'État en 1991. Ainsi, dans une entrevue à l'émission «60
Minutes» de CBS, diffusée en 1995, «Toto» Constant avait dévoilé
qu'il recevait $700 par mois de la CIA lorsqu'il avait créé le
FRAPH. Si le criminel Emmanuel «Toto» Constant pendant son exil
doré aux Etats-Unis pour mission bien accomplie n’avait pas
honteusement fraudé en tant qu’agent immobilier à Queens, aux
Etats-Unis, il aurait été également libre de circuler
aujourd’hui, en Haïti, à son gré, et de se livrer à de
menaçantes provocations à l’instar de son compère Louis Jodel
Chamblain.
Voici pour mémoire l’itinéraire du mercenaire, l’ancien tonton-macoute Jodel Chamblain. Juste après le démantèlement du
corps spécial des Léopards formé par Jean-Claude Duvalier, il a
servi jusqu’en 1989-90 comme sergent dans les Forces armées
d'Haïti (FAd'H). Il a ressurgi en 1993 co-fondant avec Emmanuel
"Toto" Constant, Mireille Durocher Bertin et un haut responsable
duvaliériste, Alphonse Lahens, dans le Front Révolutionnaire
pour l'Avancement et le Progrès Haïtien (FRAPH) dont le nombre
de victimes après le coup d’Etat de septembre 1991 s’élève à
plus de quatre mille. Si le document de 160 mille pages du Fraph
a été confisqué par la CIA après le débarquement des US Marines
en septembre 1994, ça a été non seulement pour ne pas mettre en
danger les noms des citoyens Etatsuniens qui avaient eu un rôle
quelconque dans les tueries, mais encore pour occulter les
atrocités sans nom commises par Chamblain, Constant et leur gang
d’assassins.
Après le retour d’Aristide le 15 octobre 1994, Chamblain s’est
réfugié en République dominicaine pour réapparaître, comme on le
sait, au début de l'année 2004 à la tête d’un commando que
dirigeait un autre agent de la CIA, l’ancien lieutenant des
Forces Armées d’Haïti, l’ex-commissaire de police, le mercenaire
Guy Philippe.
Eventuellement, Chamblain
fut jugé et condamné par contumace, le 17 septembre 1995, à la
prison à vie sur deux chefs d’accusation: le meurtre de l'homme
d'affaires Antoine Izméry et sa participation au massacre de
Raboteau en 1994, sans oublier son implication dans
l’assassinat du ministre de la Justice Guy Malary et de son
garde-du-corps, le 14 octobre 1993.
Après le coup
d’état de Février 2004 et l’installation de Gérard Latortue et
d’Alexandre Boniface en tant que Premier ministre et Chef d’Etat
de facto, Louis-Jodel Chamblain s'est «livré» à ses complices au
pouvoir le jeudi 22 avril 2004, pour être transféré à la prison
civile de Pétion-Ville.
Comme Chamblain avait été jugé coupable à deux reprises, d'abord
pour sa participation présumée à l'assassinat d'Antoine Izméry,
le 11 Septembre1993, et d'autre part pour son implication dans
le massacre de Raboteau du 22 avril 1994, le gouvernement
Alexandre/Latortue décidait d’organiser des assises criminelles
spéciales pour juger à nouveau les condamnés par contumace. Les
assises commencées le lundi 16 août 2004 prirent fin rapidement
le 20 Août 2004. Le ministre de la Justice d’alors, de triste
mémoire, Bernard Honorat Gousse avait indiqué à la presse que le
président de la République pourrait pardonner Chamblain pour
« ses grands services rendus à la Nation ». En effet, il le fut
(Voir Haiti Observateur Vol 35 # 34, du 18au 25 Août 2004, page
2).
En fait, le journal Haiti Observateur lui-même s’interrogeait
comme suit : ce procès sera-t-il le procès de la vérité ou celui
de la réhabilitation d’un groupe d’hommes que le Premier
ministre Latortue avait qualifié de « combattants de la
Liberté ». On sait ce qu’il advint. Le 17 Août 2004, Chamblain
était outrageusement acquitté de toutes ses charges ainsi que
l’ex-capitaine Jackson Joanis.
Le retour de Chamblain sur la scène politique, à visière levée,
n’est pas anodin. Loin s’en faut. Le retour de Jean-Claude
Duvalier en Haïti, «l’élection» d’un pro-duvaliériste,
pro-macoute, pro-escadron de la mort, au timon de l’Etat,
l’appel de nombreux duvaliéristes «lourds» autour d’un président
aux allures plus que cavalières et politiquement désinvoltes, ne
peuvent que donner des ailes à Chamblain et l’encourager à
manifester ses instincts anti-démocratiques dans une perspective
de rétablissement des néfastes pratiques duvaliéro-macoutes pour
servir les intérêts de l’empire.
Et comme toujours, pour cacher son habituelle participation
occulte aux manœuvres de l’ombre de ses indigènes de service, le
gouvernement des Etats-Unis par le truchement du porte-parole
adjoint du Département d’Etat, Adam Erelli, a brillé par son
hypocrisie en déclarant de façon pernicieuse : « Les
Etats-Unis sont concernés par l’acquittement le 17 Août 2004 de
l’ancien dirigeant paramilitaire Louis Jodel Chamblain et de
l’ancien responsable de la police Jackson Joanis (…) nous
regrettons énormément la précipitation avec laquelle leurs cas
ont été revus, entraînant des failles de procédures qui mettent
en doute l’intégrité de la procédure ».
La presse est prévenue, les journalistes sont avertis et
devraient se préparer à démasquer et dénoncer les dinosaures qui
veulent ramener le pays à la préhistoire macouto-duvaliériste.
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